Loi accessibilité numérique : vote du Sénat le 16 juillet

Photo de l'intérieur du Sénat

Nous avons vu le 25 juin dernier que le contexte légal français concernant la loi accessibilité numérique était en train de changer. Un premier vote avait eu lieu à l’Assemblée nationale pour transposer en droit français les obligations européennes issues de la Directive Accessibilité Web du 26 octobre 2016.

Le 16 juillet dernier a été adopté au Sénat ce qui préfigure la future version de l’article 47 de la loi handicap de 2005 sur l’accessibilité numérique. On peut consulter le texte provisoire de la loi, autrement dit la petite loi, sur le site du Sénat. 2 nouveaux amendements particulièrement favorables pour l’accessibilité ont alors été adoptés.

2 amendements améliorant la portée de la loi accessibilité numérique

De 5 000 à 25 000 euros d’amende

Parmi les modifications de l’amendement 601, nous pouvons lire :

3° À la première phrase du second alinéa du même IV, tel qu’il résulte du 2° du présent article, la référence : « II » est remplacée par la référence : « premier alinéa du présent IV » et la référence : « IV » est remplacée par la référence : « V » et le montant : « 5 000 € » est remplacé par le montant : « 25 000 € » ;

Nous le rappelions dans notre article précédent, la loi pour une République numérique avait déjà instauré un système d’amende pour les organisations ne respectant pas leur obligation de publication de leur niveau de conformité aux règles d’accessibilité RGAA. Cette amende était plafonnée alors à 5 000 €. Les modalités d’application devaient être précisées par décret, et l’on pouvait imaginer que l’amende soit alors appliquée pour chaque site web, page web, utilisateur… Il restait donc possible de rendre l’amende dissuasive selon la rédaction du décret, bien que le montant de l’amende soit très faible au regard des enjeux et des organisations visées.

Avec l’amendement 601, le plafond est passé à 25 000 euros au lieu de 5 000 ! Les modalités doivent encore être précisées par décret, mais le vote de cet amendement est une bonne nouvelle en soi !

Décret d’application pris avant le 31 décembre 2018

Le problème quand on parle d’accessibilité, c’est que la loi est trop rarement mise en œuvre. Ainsi a-t-il fallu attendre 4 ans pour que le décret d’application de l’article 47 de la loi de 2005 paraisse (le 14 mai 2009). Et les avancées proposées par l’article 106 de la Loi pour une République numérique du 7 octobre 2016 n’ont jamais été mises en œuvre, faute de décret.

La grande question avec ce nouveau texte était donc de savoir quand les nouvelles dispositions entreraient en vigueur. Grâce à l’amendement 722, la question est réglée :

II (nouveau). – À la première phrase du dernier alinéa de l’article L. 111‑7‑12 du code de la construction et de l’habitation, après le mot : « décret », sont insérés les mots : « , publié avant le 31 décembre 2018, ».

C’est donc avant le 31 décembre 2018 que devra entrer en vigueur le décret d’application. Nous vous tiendrons informés dès que nous en saurons plus.

Le futur article 47 de la loi 2005-102 du 11 février 2005

Évidemment, seule la version publiée au Journal officiel sera juridiquement valable, mais n’êtes-vous pas curieux de savoir à quoi ressemblera ce futur article 47, remodelé pour la seconde fois ? Nous, si. Nous avons donc fait ce travail de reconstitution pour nous donner une idée du texte définitif. Voici donc, de façon tout à fait officieuse et non valable juridiquement, la version que nous avons pu reconstituer à partir des modifications énumérées dans l’article 44 de la loi pour la Liberté de choisir son avenir professionnel.

I. – Sont accessibles aux personnes handicapées dans les conditions définies au présent article les services de communication au public en ligne des organismes suivants :

  1. 1° Les personnes morales de droit public ;
  2. 2° Les personnes morales de droit privé délégataires d’une mission de service public, ainsi que celles créées pour satisfaire spécifiquement des besoins d’intérêt général ayant un caractère autre qu’industriel ou commercial et dont :
    1. a) Soit l’activité est financée majoritairement par une ou plusieurs personnes mentionnées aux 1° et 3° du présent I et au présent 2° ;
    2. b) Soit la gestion est soumise à leur contrôle ;
    3. c) Soit plus de la moitié des membres de l’organe d’administration, de direction ou de surveillance sont désignés par elles ;
  3. 3° Les personnes morales de droit privé constituées par une ou plusieurs des personnes mentionnées aux 1° et 2° pour satisfaire spécifiquement des besoins d’intérêt général ayant un caractère autre qu’industriel ou commercial ;
  4. 4° Les entreprises dont le chiffre d’affaires excède un seuil défini par le décret en Conseil d’État mentionné au V.Par exception au premier alinéa du présent I, l’accès aux services de communication au public en ligne des fournisseurs de services de médias audiovisuels est régi par la législation qui leur est applicable. Le présent article ne s’applique pas non plus aux services de communication au public en ligne des organismes de droit privé à but non lucratif qui ne fournissent ni des services essentiels pour le public, ni des services répondant spécifiquement aux besoins des personnes handicapées ou destinés à celles‑ci. » ;

II. – L’accessibilité des services de communication au public en ligne concerne l’accès à tout type d’information sous forme numérique, quels que soient le moyen d’accès, les contenus et le mode de consultation, en particulier les sites internet, intranet, extranet, les applications mobiles, les progiciels et le mobilier urbain numérique. Elle est mise en œuvre dans la mesure où elle ne crée pas une charge disproportionnée pour l’organisme concerné. La charge disproportionnée est définie par décret en Conseil d’État, après avis du conseil mentionné à l’article L. 146‑1 du code de l’action sociale et des familles.

III. – Les organismes mentionnés aux 1° à 4° du I publient une déclaration d’accessibilité et élaborent un schéma pluriannuel de mise en accessibilité de leurs services de communication au public en ligne, qui est rendu public et décliné en plans d’actions annuels, et dont la durée ne peut être supérieure à trois ans. ;

IV. a) La page d’accueil de tout service de communication au public en ligne comporte une mention clairement visible précisant s’il est ou non conforme aux règles relatives à l’accessibilité. Tous ces services de communication au public en ligne donnent aisément et directement accès à la déclaration d’accessibilité, au schéma pluriannuel de mise en accessibilité et au plan d’actions de l’année en cours et permettent facilement aux usagers de signaler les manquements aux règles d’accessibilité de ce service.

b).-Le défaut de mise en conformité d’un service de communication au public en ligne avec les obligations prévues au premier alinéa du présent IV fait l’objet d’une sanction administrative dont le montant, qui ne peut excéder 25 000 €, est fixé par le décret en Conseil d’État mentionné au V. Une nouvelle sanction est prononcée chaque année lorsque le manquement à ces dispositions perdure.

V. Un décret en Conseil d’État, pris après avis du conseil mentionné à l’article L. 146‑1 du code de l’action sociale et des familles, fixe les règles relatives à l’accessibilité, y compris celles portant sur la déclaration d’accessibilité, les contenus exemptés parmi ceux mentionnés au 4 de l’article 1er de la directive (UE) 2016/2102 du Parlement Européen et du Conseil du 26 octobre 2016 relative à l’accessibilité des sites internet et des applications mobiles des organismes du secteur public, les modalités de mise en œuvre, qui peuvent différer selon le type de service de communication au public en ligne, les délais de mise en conformité des services de communication au public en ligne, qui ne peuvent excéder trois ans, ainsi que les conditions dans lesquelles des contrôles sont effectués et des sanctions sont imposées et recouvrées en cas de non‑respect des obligations prévues au premier alinéa du IV du présent article.

Et maintenant ?

Les évolutions législatives, poussées par un cadre juridique européen encore en train de se mettre en place, vont dans le bon sens. Il est cependant encore trop tôt pour s’en réjouir. Tout dépendra de la mise en œuvre effective de cette obligation légale d’accessibilité qui, rappelons-le, n’est pas nouvelle et reste massivement inappliquée.

[Edit au 24/07/2018] Après le rejet du texte par la CMP, de nouveaux débats ont lieu, avec déjà un premier recul.

Par ailleurs, il ne suffira pas de décréter de nouvelles obligations pour qu’elles soient applicables en pratique. La France accuse un énorme retard en terme de compétences dans le domaine de l’accessibilité numérique. Combien de formations au développement web abordent sérieusement le sujet ? Combien d’organisations savent réellement ce que signifie accessibilité numérique ?

Au-delà de l’information qu’il sera nécessaire de faire et de la sensibilisation pour lutter contre les préjugés qui ont la vie dure, c’est d’une politique d’accompagnement dont nous aurons besoin pour une montée générale en compétences de tous les métiers produisant des contenus ou services numériques. Car le sujet est transversal, et c’est bien là que réside le défi principal.

Enfin, ne perdons pas de vue que l’enjeu ce n’est pas le respect de normes, mais l’inclusion des besoins des personnes handicapées dans la conception de contenus et services numériques pour sortir d’une approche valido-centrée qui exclut certaines personnes d’une participation pleine et entière à la vie en société. À suivre…


Texte : Armony Altinier
Illustration :

4 commentaires sur “Loi accessibilité numérique : vote du Sénat le 16 juillet

  1. Bonjour Steven. De façon officielle, nous devons attendre le décret d’application, voire un arrêté ministériel pour connaître ce genre de détails pratiques.

    De manière officieuse, nous pouvons vous dire qu’il s’agit d’un sujet qui faisait encore débat en interne en mai dernier. Une chose est sûre, la France devra rendre des comptes à l’Europe sous peine de sanctions. Une vérification de l’application de la loi sera donc nécessaire.

    L’État internalisera-t-il (enfin !) ce sujet en confiant la tâche à un organisme indépendant interne et compétent, ou passera-t-il par appel d’offres ? Rien n’est tranché…

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